Vivre fixé : une adaptation des fonctions végétatives

Vivre fixé : une adaptation des fonctions végétatives
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Les fonctions de nutrition, alimentation, échanges gazeux respiratoires et excrétion, constituent avec les fonctions de relation les fonctions végétatives, par opposition aux fonctions de reproduction.

Réaliser ses échanges de gaz respiratoires et s’alimenter

 

Cette illustration est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International.

Figure 8. Battements ciliaires de la branchie de Moule

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L’appareil respiratoire de la Moule, comme de l’Huître, est représenté par des branchies situées de part et d’autre de la masse viscérale, dans la cavité palléale.
Elles sont formées de deux lames, constituée chacune de filaments successifs solidarisés par des jonctions tissulaires et ciliaires. Chaque filament est replié sur lui-même : il est inséré dorsalement, se déploie en direction de la région ventrale puis forme un pli et chemine en direction de la région dorsale.
L’ensemble des filaments s’étendant du dos au ventre forme un feuillet direct, et l’ensemble des filaments s’étendant du ventre au dos forme un feuillet réfléchi.

Les filaments sont délimités par un épithélium simple dont plusieurs cellules sont ciliées et quelques-unes sécrétrices de mucus.
Les battements ciliaires mettent en mouvement l’eau de la cavité palléale et sont à l’origine d’un courant d’eau qui la parcourt. L’eau entre dans la cavité palléale par la face ventrale, traverse les lames branchiales puis est évacuée par la face dorsale, dans la région postérieure.
La cavité palléale est ainsi divisée en une chambre inhalante ventrale et une chambre exhalante dorsale, séparées par les branchies.

Le cœur des filaments est occupé par une lacune dans laquelle circule l’hémolymphe.

La pression partielle du dioxygène dans l’eau entrant dans la cavité palléale est supérieure à celle de l’hémolymphe, et inversement pour le dioxyde de carbone. En conséquence, le dioxygène diffuse de l’eau vers l’hémolymphe et le dioxyde de carbone de l’hémolymphe à l’eau.

Les branchies sont donc le siège des échanges de gaz respiratoires entre le milieu et l’hémolymphe, le renouvellement du milieu étant assuré par des mouvements ciliaires.

La Patelle possède également un appareil respiratoire branchial, constitué de branchies localisées dans un sillon entourant le pied. Elles sont bordées par un épithélium simple et cilié et contiennent des lacunes dans lesquelles l’hémolymphe circule.
L’eau du milieu, mise en mouvement par la ciliature, pénètre dans le sillon par la région antérieure gauche et est majoritairement orientée vers la région droite. Elle circule ensuite de l’avant vers l’arrière avant de sortir du sillon.
En raison des différences de pressions partielles des gaz respiratoires entre l’hémolymphe et l’eau, le dioxygène est absorbé et le dioxyde de carbone rejeté.

Finalement, les modalités de réalisation des échanges de gaz respiratoires sont comparables chez les divers Eumollusques fixés décrits.

L’appareil respiratoire branchial de la Moule, de même que celui de l’Huître, est parcouru par un courant d’eau ventrodorsal apportant du dioxygène et drainant du dioxyde de carbone. Il est également chargé de particules en suspension.
Lorsqu’elles entrent en contact avec les cils des cellules épithéliales branchiales, elles sont prises en charge et acheminées progressivement vers le bord libre de la branchie au niveau duquel les filaments repliés ménagent un sillon cilié. Elles sont enrobées de mucus et conduites vers l’avant puis avalées par la bouche. Les branchies agissent comme un filtre traversé par l’eau, retenant les particules alimentaires en suspension.

La Moule et l’Huître ingèrent donc des particules alimentaires de petite taille par rapport à leur propre taille. Elles pratiquent la microphagie en l’occurrence par filtration, également appelée suspensivorie.

La Patelle pour sa part se nourrit d’algues et de microorganismes, fixés ou adhérant aux rochers.
Elle racle le substrat grâce à la radula associée à sa bouche, portant de multiples dents, animée de mouvements de va-et-vient. Elle détache ainsi des particules qu’elle ingère ensuite. Elle pratique la macrophagie par broutage.

Finalement, les Bivalves fixés de manière permanente ou quasipermanente se nourrissent par filtration, générant un courant d’eau respiratoire et alimentaire, alors que les Gastéropodes fixés temporairement se nourrissent par broutage à l’occasion de déplacements, tout en présentant un courant d’eau respiratoire. De manière générale, les déchets du métabolisme sont également pris en charge et évacués par le courant d’eau.

Les Eumollusques fixés occupent fréquemment la zone intertidale, soumise aux marées. Ils connaissent une alternance de périodes d’immersion pendant lesquelles ils sont soumis à l’action des vagues, et d’émersion pendant lesquelles ils sont au contact de l’air.

Comment font-ils face aux contraintes de leur environnement ?

Résister aux contraintes abiotiques et biotiques

 

Immergés, les Eumollusques vivant fixés sont soumis à l’agitation de l’eau, notamment aux courants et aux vagues.
De manière générale, leurs dispositifs de fixation leur évitent d’être emportés par le courant, qu’il s’agisse du byssus de la Moule à la fois résistant et souple, ou du ciment de l’Huître et du pied de la Patelle dont la surface de contact avec le substrat est importante.
La fixation de la Patelle est parfois augmentée par le creusement du substrat calcaire réalisé grâce à la sécrétion de liquide acide, la légère dépression formée permettant l’encastrement de la coquille dans le substrat.

La forme et la dimension des coquilles des Eumollusques vivant fixés varient avec l’agitation de l’eau.
Une forme conique comme celle de la coquille de la Patelle offre peu de prise au courant, mais en milieu agité elle est fréquemment abaissée réduisant la surface exposée. Dans un tel environnement, de la même manière, la taille des individus est souvent réduite.
Les Moules y sont fréquemment groupées en formations denses, appelées moulières, dans lesquelles les individus sont protégés les uns par les autres. Elles sont également susceptibles de se déplacer vers une zone plus calme.

Si les coquilles des Bivalves fixés sont entrouvertes à marée haute, elles sont fermées à marée basse. De même, les Patelles se déplacent généralement à marée haute et sont immobiles à marée basse.

Comment la fermeture de la coquille et l’immobilité sont-elles réalisées ?

Quelles sont leurs conséquences ?

 

Cette illustration est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International.

À marée basse, les deux valves de la coquille de la Moule, mais également de l’Huître, sont étroitement accolées l’une à l’autre.

Sur la face interne des valves, outre l’empreinte palléale matérialisant la ligne d’adhérence du bord du manteau à la coquille, des empreintes musculaires sont présentes.
Elles correspondent à :

  • un muscle adducteur postérieur, de diamètre important, situé en position postérieure et dorsale ;
  • trois muscles rétracteurs du byssus, étroits et plus antérieurs ;
  • un muscle rétracteur du pied, également peu épais et dorsal ;
  • un muscle adducteur antérieur, de diamètre réduit, localisé en position antérieure et ventrale.

La contraction des muscles adducteurs rapproche les deux valves de la coquille et conduit à sa fermeture.

 

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De la même manière que la Moule, l’Huître possède un muscle adducteur inséré sur les faces internes des deux valves de la coquille.
Il est formé d’une région blanche opaque et d’une région translucide grise, comportant respectivement des fibres musculaires lisses à contractions lentes et durables et des fibres musculaires striées à contractions rapides et brèves. Si elles ne sont pas distinctes dans les muscles adducteurs de la Moule, elles sont cependant présentes.

La fermeture de la coquille à marée basse résulte de l’action des fibres musculaires lisses.
En réponse à l’acétylcholine libérée par le système nerveux, les fibres musculaires lisses se contractent : schématiquement, la concentration intracellulaire d’ions calcium augmente, provoquant le coulissement de protéines fibreuses, l’actine et la myosine, ce qui conduit au raccourcissement de la cellule et en conséquence du muscle.
Une protéine se lierait à la fois à l’actine et la myosine, les maintenant en place en absence d’ions calcium, de sorte que l’état contracté perdure avec une consommation d’énergie minimale.
Le relâchement est déclenché par la sérotonine à l’origine de l’inactivation de la protéine de liaison notamment.

La cavité palléale des Bivalves dont la coquille est fermée contient de l’eau de mer. Baignant la surface des organes, elle contribue à éviter la dessiccation en association avec la couche externe de la coquille, le périostracum, imperméable.
Elle autorise en outre les échanges de gaz respiratoires. L’eau n’étant pas renouvelée, elle est progressivement appauvrie en dioxygène et enrichie en dioxyde de carbone. Les valves de la coquille sont périodiquement entrebâillées de sorte et le dioxygène de l’air se dissout dans l’eau de la cavité palléale et le dioxyde de carbone diffuse vers l’air.

L’adhérence de la Patelle au rocher lui permet également de conserver de l’eau de mer dans la cavité ménagée entre la coquille et le substrat, limitant la dessiccation et autorisant le maintien des échanges de gaz respiratoires.

Par ailleurs des voies métaboliques anaérobies sont mises en œuvre pendant les périodes d’émersion.

En revanche l’alimentation est généralement absente en période d’émersion. Elle est discontinue.

La coquille des Eumollusques est une enveloppe épaisse et rigide, en particulier en raison de sa minéralisation. Elle joue un rôle protecteur vis-à-vis des prédateurs, dès lors que les valves sont accolées dans le cas des Bivalves ou que l’individu se retire dans sa coquille dans le cas des Gastéropodes.
Seules les espèces capables de percer les coquilles comme les Nucelles ou d’en forcer l’ouverture comme les Étoiles de mer sont suceptibles de se nourrir des Eumollusques vivant fixés.
La coquille les protège également de la fixation d’autres organismes.

Vivant fixés, les Eumollusques décrits sont soumis à des contraintes auxquelles ils ne peuvent se soustraire. Ils sont capables de résister à l’agitation de l’eau, à l’émersion et de se protéger des prédateurs grâce à leurs dispositifs de fixation et à leur coquille.

Si le déplacement des animaux implique le recueil, l’analyse et l’intégration d’informations relatives à l’environnement, ces processus semblent moins fondamentaux en cas de vie fixée.

Quel est le développement des fonctions de relation chez les Eumollusques fixés ?

Percevoir le milieu

 

La Moule et l’Huître adultes mènent une vie fixée respectivement quasipermanente et permanente. Elles ne possèdent ni tête ni organes sensoriels centraux, à l’instar de la plupart des Bivalves. Leur système nerveux est formé de trois paires de ganglions, cérébroïdes, pédieux et viscéraux.
L’absence de tête et la simplification du système nerveux sont interprétés comme des conséquences de la vie fixée.
Cependant, des terminaisons sensorielles multiples sont présentes dans leur manteau. Sensibles à la lumière, à la température, aux caractéristiques de l’eau comme la salinité et la composition, elles leur permettent d’appréhender leur milieu et ses variations, et le cas échéant de sélectionner un site de fixation.

À la différence des Bivalves, la Patelle est fixée temporairement.

 

Cette illustration est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International.

La Patelle quitte l’emplacement où elle est fixée notamment lorsqu’elle s’alimente, puis y retourne, phénomène désigné par le terme « homing ». Elle se déplace sur des distances variant de 10 à 150 cm.
Elle possède une tête portant des tentacules et des yeux, organes sensoriels lui permettant d’explorer son environnement.

Comment retourne-t-elle précisément à son emplacement ?

Au cours de son déplacement elle dépose du mucus à la surface du substrat, formant une piste. Elle suit ce chemin en sens inverse et retrouve ainsi son site de fixation. Le mucus contiendrait des substances à l’origine d’un chimiotactisme.

La vie fixée a donc un impact sur les fonctions végétatives des Eumollusques. Il concerne les modalités de leurs réalisation et s’exprime notamment par une rythmicité des fonctions de nutrition.

Qu’en est-il de la fonction de reproduction ?