Vivre fixé : posséder un dispositif de liaison avec le substrat

Vivre fixé : posséder un dispositif de liaison avec le substrat
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Les Eumollusques menant une vie fixée sont pour la plupart des représentants des groupes des Bivalves et des Gastéropodes. Les exemples de la Moule, de l’Huître et de la Patelle sont représentatifs des diverses modalités de fixation sur le substrat.

Le byssus : des filaments résistants et élastiques terminés par un disque adhésif

 

Cette illustration est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International.

La Moule (Mytilus edulis) vit fixée sur les rochers dans la zone intertidale, soumise aux marées. Elle y adhère par un ensemble de filaments rigides mais élastiques, portant à leur extrémité libre un disque adhésif. Il émerge entre les deux valves de la coquille sur la face ventrale de l’animal et porte le nom de byssus (du grec bussons , « lin fin »).

Le byssus est formé de 50 à 100 filaments entourés d’une cuticule protéique, rigide mais extensible.
Chaque filament est composé de fibres de collagène, associées à de l’élastine dans sa région proximale, proche du corps, et reliées par des ponts transversaux dans sa région distale, proche du disque adhésif.
En conséquence, la région proximale des filaments est élastique et la région distale rigide et peu déformable. Les filaments du byssus amortissent ainsi la force des vagues et assurent un ancrage solide sur le substrat.
Ils sont en outre protégés de l’abrasion par la cuticule les enveloppant.

Le disque adhésif est quant à lui composé de protéines agencées en réseau du fait de liaisons intermoléculaires. Une telle organisation augmente l’adhérence mais surtout la résistance.

Quelle est l’origine du byssus ?

 

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Ventralement, les deux valves de la coquille sont libres. Le manteau de la Moule st formé de deux lobes soudés dorsalement et libres ventralement. Chacun court sur la face interne d’une des valves de la coquille et ensemble ils délimitent la cavité palléale.

La cavité palléale abrite deux paires de branchies lamelleuses latérales. La région ventrale de la masse viscérale présente de l’avant vers l’arrière la bouche entourée de quatre palpes labiaux, le pied portant à sa base un renflement muni d’un orifice d’où émergent les filaments du byssus et une bosse dite de Polichinelle abritant les gonades.

Les filaments du byssus sont donc en relation avec un renflement situé à la base du pied, ouvert sur la cavité palléale par un orifice.
Il s’agit de la glande byssogène.

 

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La glande byssogène est constituée d’unités sécrétrices tubuleuses formées par les replis d’un épithélium sécréteur, soutenus par du tissu conjonctif fibreux. Simple et prismatique, il est formé de cellules sécrétrices séreuses et ciliées.
Les produits synthétisés, protéines et mucopolysaccharides, sont déversés dans la lumière des unités sécrétrices où elles forment des filaments acheminés vers le canal de la glande grâce aux battements de la ciliature des cellules sécrétrices.
Ils constituent la racine du byssus.

Le sillon du pied est bordé trois types de glandes produisant le collagène du cœur des filaments du byssus, les composés phénoliques impliqués dans la formation du disque adhésif, et les constituants de la cuticule. Elles libèrent leurs sécrétions dans le sillon sous forme de solution visqueuse.
Le pied assure leur modelage en filaments, reliés à la racine du byssus par du collagène, ainsi que leur positionnement et leur fixation. L’extrémité du pied est posée à la surface du substrat puis sa région centrale est soulevée, ce qui provoque la formation d’une cavité et génère une dépression à l’origine d’une adhérence temporaire.
Des protéines, désignées par l’acronyme mfp (mussel foot protein), sont alors déversées dans la cavité et adsorbées sur le substrat. Parmi elles, les mpf-3 et mpf-5 sont riches en tyrosine, acide aminé oxydé en dihydroxyphénylalanine (DOPA) par une enzyme, la tyrosine oxydase. La DOPA permet l’adhérence au substrat mais en présence de dioxygène, elle subit une transformation en DOPAquinone. La DOPAquinone contribue à la formation d’un réseau protéique, responsable de la cohésion des molécules dans le disque adhésif mais ne possède pas de propriété adhésive. La protéine mpf-6, riche en groupements thiols, a une fonction antioxydante et limite la formation de DOPAquinone.
Ainsi un compromis entre adhérence et solidité du disque est établi. Une fois le disque adhésif assemblé et consolidé, l’extrémité du pied est retirée et la cuticule déposée.

La fixation de la Moule implique donc des protéines adhésives, contenant de la DOPA, organisées en réseau, et formant un disque dont la surface en contact avec le substrat est relativement importante. Le disque est relié au corps par l’intermédiaires de filaments de collagène à la fois rigides et élastiques, protégés par une cuticule, en continuité avec une racine fibreuse.

Pour autant, la fixation de la Moule n’est pas définitive : elle est capable de rompre son ancrage, de se déplacer et de se fixer à nouveau.

D’autres Bivalves comme l’Huître semblent posés sur le substrat mais y sont également solidement fixés.

Comment la fixation est-elle réalisée dans ce cas ?

La coquille : une valve cimentée au substrat

 

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De même que la Moule, l’Huître creuse (Crassostrea gigas) possède une coquille formée de deux valves. Elle en diffère par le fait que la valve gauche est convexe et la valve droite plate. Elle est en conséquence qualifiée d’inéquivalve.

L’Huître vit fixée au substrat rocheux par la valve gauche, un ciment assurant l’adhérence.

Au moment de la fixation, des glandes localisées dans le pied libèrent un mélange de mucopolysaccharides et de protéines riches en acides aminés aromatiques, subissant un tannage quinonique. Il durcit et forme un complexe fibreux soudant la valve gauche au substrat.
Des glandes du manteau prennent ensuite le relais, sécrétant de même des produits durcissant et adoptant une consistance fibreuse.

Après la fixation, des cristaux de carbonate de calcium et de magnésium se forment dans le ciment, les constituants organiques fournissant une surface de nucléation. Les substances minérales proviennent vraisemblablement de l’eau de mer présente dans les interstices existant entre la valve gauche et le substrat.

À la différence de la Moule, l’Huître est fixée par toute la surface d’une des valves de sa coquille, et adhère au substrat par un ciment organique fibreux imprégné de cristaux de nature minérale.

La fixation est dans ce cas définitive.

Outre les Bivalves, quelques Gastéropodes mènent une vie fixée.

Quel est leur mode de fixation ?

Le pied : une ventouse impliquant une succion

 

La Patelle (Patella vulgata) est un Gastéropode fréquemment fixé dans la zone intertidale. Seule sa coquille est alors visible.

 

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Le corps de la Patelle, protégé par une coquille conique, est formé d’une tête antérieure, d’un pied ventral et d’une masse viscérale dorsale.

 

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Le pied de la Patelle forme une sole de reptation. Il est bordé d’un épithélium simple et cilié, associé à des cellules glandulaires. Il est formé de tissu conjonctif fibreux parcouru par des muscles transversaux et longitudinaux denses. Les lacunes du tissu conjonctif contiennent de l’hémolymphe, liquide circulant de l’organisme.

Le pied est au contact du substrat sur toute sa surface.
Lorsqu’il est soulevé en son centre, du fait de la contraction de la musculature, une cavité est formée entre le substrat et la périphérie du pied, dans laquelle la pression est inférieure à la pression du milieu environnant.
En conséquence, une force d’attache est générée, pouvant atteindre 100000 Newtons.m-2. La pression atmosphérique étant de 105 Pascals ou 100000 Newtons/m2, avec une pression sous le pied de la Patelle de 0 Pascal, la force générée est de 100000 Newtons.m-2.

La Patelle réalise donc sa fixation par succion et effet ventouse.

Cependant, si ce mécanisme assure la fixation durant les premières heures, il est suppléé ensuite par le dépôt d’une solution adhésive sécrétée par le pied. Il pourrait s’agir de mucus associé à des molécules adhésives ou de tannage.
Elle joue le rôle de joint, et conrtibue à l’attachement de la périphérie du pied au substrat notamment s’il est irrégulier, par adhérence capillaire. Elle présente vraisemblablement une viscosité variable en fonction des contraintes exercées, permettant une augmentation de l’adhérence en cas de traction.

Ainsi, la Patelle est fixée par effet ventouse et par une solution adhésive, les deux processus se succédant ou coexistant. Sa fixation n’est pas définitive, elle se détache et se déplace régulièrement.

Finalement, les modalités de fixation des Eumollusques sur un substrat solide sont variées. La fixation peut être permanente, quasipermanente ou temporaire.
Les processus impliqués sont de deux types : la sécrétion de substances adhésives de nature protéique et mucopolysaccharidique, secondairement minéralisées le cas échéant, et la succion avec effet ventouse. Elles peuvent coexister et prendre des formes diverses.

En absence de déplacement, comment les Eumollusques fixés réalisent-ils les fonctions de nutrition et de relation ?