La coquille d’Huître et ses hôtes

Les Huîtres sont des mets de choix et ravissent les papilles des amateurs.

Cette page vous propose d’explorer la coquille qui les protège avant de déguster !

La coquille d’Huître : une valve gauche fixée au substrat et une valve droite superficielle…

Appartenant au groupe des Eumollusques, les Huîtres sont des animaux vivant généralement fixés et dont le corps est protégé par une coquille rigide formée de deux valves, droite et gauche.

Elles sont ainsi classées dans dans le sous-groupe des Bivalves, également désignés par le terme Lamellibranches en raison de la présence de branchies en lamelles.

Coquille d'Huître creuse
Coquille d’Huître creuse (Magallana gigas) en vues latérale, droite et gauche (Saint-Étienne, mars 2020)

La valve gauche est concave et appliquée contre le substrat, impliquée dans la fixation, alors que la valve droite est plate et libre, au contact de l’eau.

L’extrémité pointue de la coquille correspond à la région antérieure de l’animal et l’extrémité arrondie à la région postérieure.

La surface de chaque valve est écailleuse et colorée du noir au blanc en passant par le gris et diverses nuances de brun.

Une observation attentive de la surface de la coquille est parfois source de surprises.

… hérissées de tubercules et de serpentins, blancs ou colorés…

Surface d'une coquille d'Huître creuse
Surface d’une coquille d’Huître creuse (Magallana gigas) (Saint-Étienne, mars 2020)

La surface de la coquille apparaît garnie de petites excroissances rigides et blanchâtres, en forme de cônes tronqués.

En réalité, elle sert de support à des corpuscules divers par leurs formes, leurs textures et leurs couleurs.

Certains se présentent comme des serpentins rigides et blanchâtres, sinueux ou enroulés, en spirale serrée, d’autres comme de petites outres rougeâtres portant deux protubérances supérieures percées chacune d’un orifice.

D’autres encore, plus discrets, sont plats et arborent des couleurs et texture semblables à celles de la coquille qui les supporte.

Les corpuscules observés adhèrent fortement à la surface de la coquille qui les accueille, ils y sont fixés.

… qui se révèlent être des épibiontes

Pour visualiser la vidéo au format WBM :

Des Balanes, Euarthropodes fixés et filtreurs

Les cônes tronqués rigides et blanchâtres, situés dans l’angle inférieur gauche de la vidéo, sont constitués de plaques associées formant d’une part une muraille ovale et d’autre part un opercule obturant la partie supérieure du cône.

Les plaques de l’opercule s’écartent et un panache d’expansions corporelles est déployé par l’ouverture qu’elles ménagent.

Une telle organisation est caractéristique des Balanes, Euarthropodes cirripèdes ayant fait l’objet d’une description dans le Cabinet de curiosités virtuel de Codex virtualis.


Balane sur une coquille d'Huître creuse
Balane sur une coquille d’Huître creuse (Magallana gigas) (Saint-Étienne, mars 2020)

Des Serpules, Annélides sédentaires tubicoles et filtreurs


Serpule sur une coquille d'Huître creuse
Serpule sur une coquille d’Huître creuse (Magallana gigas) (Saint-Étienne, mars 2020)

pirorbe sur une coquille d'Huître creuse
Spirorbe sur une coquille d’Huître creuse (Magallana gigas) (Saint-Étienne, mars 2020)

Le serpentin rigide, blanchâtre et sinueux, situé au centre de la vidéo, est en réalité un tube calcaire présentant des côtes longitudinales.

Obturé par un opercule, il abrite un ver appartenant au groupe des Annélides polychètes, la Serpule triangulaire (Spirobranchus sp.).

L’animal déploie un panache formé de deux groupes de tentacules portant des pinnules, à l’instar de la Sabelle qui était le sujet d’une description dans le Cabinet de curiosités virtuel de Codex virtualis.

Semblablement, le serpentin enroulé en spirale est un tube calcaire occupé par une Annélide appartenant au même groupe, de taille plus réduite, le Spirorbe.

Des Ascidies, Chordés fixés et filtreurs

L’outre rougeâtre dont la surface est grumeleuse et qui présente dans sa partie supérieure deux saillies portant un orifice, localisée dans l’angle inférieur gauche de la vidéo à proximité des Balanes, est quant à elle une Ascidie.

Les Ascidies sont des animaux appartenant au groupe des Urochordés.

Vivant fixés à l’état adulte, ils se nourrissent par filtration : l’eau de mer pénètre dans le pharynx par l’intermédiaire de l’un des orifices supérieurs, inhalant, traverse la paroi de l’organe percée de pores et est évacuée par le second orifice exhalant. Les particules alimentaires sont retenues par la paroi pharyngienne jouant le rôle de filtre.

Leur corps est entouré d’une tunique dont la surface est fréquemment irrégulière. Sous le tégument courent des bandes musculaires dont la contraction peut provoquer une brusque constriction.

Plusieurs espèces d’Ascidies ont fait l’objet d’articles de Codex virtualis, en particulier la Cione (Ciona intestinalis) les semaines 27-2014 et 28-2014.


Ascidies sur une coquille d'Huître creuse
Ascidies sur une coquille d’Huître creuse (Magallana gigas) (Saint-Étienne, mars 2020)

Et même des Huîtres ! Eumollusques fixés et filtreurs

Certaines aspérités de la coquille présentent un contour lisse.

Leur forme est étroite à une extrémité et élargie à l’autre, parfois arquée, mais arrondie.

Un examen soigneux révèle qu’il ne s’agit pas de simples écailles superficielles, mais bien de coquilles de petites Huîtres !

Le cycle de vie de l’Huître comporte une phase larvaire libre, planctonique, qui prend fin avec la fixation sur un substrat et une métamorphose.

Le choix du site de fixation est déterminé par différents facteurs parmi lesquels la présence d’individus adultes a un impact positif.

Une fois fixée la jeune Huître, à l’instar des adultes, se nourrit en filtrant l’eau de mer à travers ses branchies qui assurent la rétention des particules flottantes avant leur ingestion.

Le cycle de vie des Huîtres et la physiologie des Eumollusques fixés sont décrits dans l’article « Vivre fixé à partir de l’exemple des Eumollusques » de l’ouvrage « Petites questions de physiologie animale 2019 ».


Huîtres sur une coquille d'Huître creuse
Huîtres sur une coquille d’Huître creuse (Magallana gigas) (Saint-Étienne, mars 2020)

Huîtres sur une coquille d'Huître creuse
Huîtres sur une coquille d’Huître creuse (Magallana gigas) (Saint-Étienne, mars 2020)

Les animaux vivant fixés sur un être vivant pratiquent l’épibiose. Ce terme désigne un mode de vie qui consiste à évoluer à la surface d’un organisme support (étymologiquement, ép(i)- signifie sur, au-dessus, et bio- signifie vie).

Ils sont dits épibiontes, et plus précisément épizoïques car leurs organismes supports sont des animaux (étymologiquement, -zoïque signifie animal).

Ils sont également appelés épizoaires, en raison de leur appartenance au règne animal (étymologiquement, -zoaire signifie animalcule).1

… et aussi creusée d’une galerie abritant une Annélide !

Pour visualiser la vidéo au format WBM :


Eulalie de coquille d'Huître
Eulalie (Eulalia clavigera) de coquille d’Huître creuse (Magallana gigas) en vues latérale, droite et gauche (Saint-Étienne, mars 2020)

Eulalie de coquille d'Huître
Eulalie (Eulalia clavigera) de coquille d’Huître creuse (Magallana gigas) en vues latérale, droite et gauche (Saint-Étienne, mars 2020)

Émergeant de l’épaisseur de la coquille et y pénétrant par un petit orifice circulaire, un animal vermiforme de couleur verte long d’environ 5 cm et particulièrement mobile est saisi sur le vif !2

Son corps est formé de segments successifs, semblables les uns aux autres, et portant chacun une paire d’expansions latérales appelées parapodes. Les quatre segments antérieurs présentent des filaments appelés cirres tentaculaires.

À l’avant, une tête porte deux yeux, deux palpes et trois antennes. À l’arrière, un pygidium est muni de deux cirres.

Cette organisation corporelle est caractéristique des Annélides et plus précisément du groupe des Polychètes.

Les parapodes portant une languette dorsale foliacée, cet animal est classé dans la famille des Phyllodocidés. Il s’agit d’une Eulalie.

Les Eulalies sont des animaux nécrophages se nourrissant d’animaux comme les Balanes, les Moules, les Patelles et Nucelles, voire d’autres Annélides polychètes, dont elles aspirent les tissus à l’aide d’une trompe. Occasionnellement elles peuvent pratiquer la prédation.

Ne forant pas les coquilles d’Eumollusques, elles semblent en revanche susceptibles d’occuper les galeries creusées par d’autres espèces, notamment du groupe des Annélides polychètes spionidés.

Loin d’être une simple enveloppe rigide protectrice, la coquille de l’Huître apparaît comme un substrat favorable à l’installation d’une faune diversifiée dont cette page ne donne qu’un petit aperçu, à laquelle s’ajoutent plusieurs espèces d’algues. Si la plupart des espèces animales qu’elle porte vivent fixées au stade adulte et s’alimentent par filtration, des espèces vagiles y trouvent parfois un abri. Les coquilles des Huîtres constituent donc un habitat pour diverses espèces.

Modifiant l’environnement dans lequel elles sont installées en offrant un habitat, les Huîtres ont un impact sur les autres espèces. En ce sens, elles sont considérées comme des organismes ingénieurs de l’écosystème.

L’exploration de la surface des coquilles des Moules, des Bigorneaux et autres Eumollusques, révèle que ce rôle d’ingénieur de l’écosystème est partagé par de nombreuses autres espèces du même groupe !

Pour en savoir plus, consulter :

  • Evans J.W. : Borers in the Shell of the Sea Scallop, Placopecten magellanicus. American Zoologist, 1969, 9 : 775-782
  • Gutiérrez, J. L., Jones, C. G., Strayer, D. L. and Iribarne, O. O. : Mollusks as ecosystem engineers : the role of shell production in aquatic habitats. Oikos, 2003, 101 : 79–90 (DOI : 10.1034/j.1600-0706.2003.12322.x)
  • Guy C., Blight A., Smyth D and Roberts D. : The world is their oyster : Differences in epibiota on sympatric populations of native Ostrea edulis and non-native Crassostrea gigas (Magallana gigas) oysters. Journal of Sea Research, 2018, 140 : 52–58 (DOI : 10.1016/j.seares.2018.07.002)
  • Smyth D. and Roberts D. :The European oyster (Ostrea edulis) and its epibiotic succession. Hydrobiologia, 2010, 655 : 25-36 (DOI : 10.1007/s10750-010-0401-x)

  1. Le terme « épizoïte » désigne un organisme vivant fixé sur un animal et le terme « épizoaire » désigne un animal vivant fixé sur un organisme vivant. ↩︎
  2. Un grand merci à Anne-Laure pour son observation attentive, sans qui l’Eulalie n’aurait pas été débusquée ! ↩︎

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