La Moule et son rocher

 

Byssus de Moule
Byssus de la Moule (Mytilus edulis - Crozon, 2011)

 

La Moule (Mytilus edulis) est un animal fréquent sur les côtes rocheuses. Elle vit fixée sur les rochers grâce à un ensemble de filaments désigné par le terme byssus. Celui-ci prend naissance en-dessous du pied et forme un faisceau de fibres divergentes, qui adhèrent au support par l’intermédiaire d’une plaque arrondie.

Les propriétés du byssus sont étonnantes : il est cinq fois plus résistant et seize fois plus extensible qu’un tendon humain !

Quelle est leur origine ? Comment le byssus permet il la fixation sur le substrat ?

 

Les filaments qui constituent le byssus sont formés :

d’une partie proximale, proche du corps et ancrée dans la base du pied, élastique ;

d’une partie distale, proche de la plaque adhésive, rigide et peu déformable.

En conséquence, ils sont capables d’une part d’absorber la force des vagues, jouant le rôle d’amortisseur, et d’autre part assurent un ancrage très solide au substrat.

 

Les propriétés des deux parties des filaments sont liées à leur organisation et leur composition. Deux types de collagène sont présents dans le byssus. Le collagène proximal a des qualités d’élasticité alors que le collagène distal a des qualités de résistance. Ces collagènes co-existent sur la longueur des filaments du byssus, en gradients inverses.

La portion proximale doit son élasticité à l’existence de domaines semblables à l’élastine, associés au collagène.
La rigidité de la partie distale est quant à elle liée à la présence de ponts transversaux très résistants, reliant entre elles les fibres de collagène et se reconstituant très rapidement après destruction.

 

Filaments du byssus
Filaments du byssus de la Moule (Mytilus edulis - Crozon, 2005)

 

L’adhérence au substrat implique des protéines, appelées protéines du pied, organisées en réseau du fait de liaisons inter-moléculaires. Ces dernières favorisent non seulement la résistance mécanique, mais aussi l’adhérence au substrat.

Les protéines du pied (Mefp-1 à 4, pour Mytilus edulis foot protein) subissent un tannage quinonique, c’est à dire une oxydation des chaînes latérales de certains acides aminés comme la L-DOPA (3,4-dihydroxyphényl-L-alanine) conduisant à leur transformation en quinones, suivie d’une polymérisation. L’une des enzymes catalysant ces réactions est une polyphénoloxydase, dépendante du cuivre. Des ponts disulfure sont également présents, entre les résidus cystéine de ces protéines.

 

La résistance des filaments de byssus à l’abrasion due aux vagues est liée à la présence d’une cuticule externe de nature protéique. Elle est environ cinq fois plus dure que les fibres du cœur des filaments.

La cuticule est formée, chez certaines espèces, d’une matrice protéique contenant des granules au sein desquels les protéines forment des assemblages complexes stabilisés par l’association avec des ions ferriques (Fe3+).
La cuticule combine une grande rigidité et une importante extensibilité. La première serait liée à la densité des liaisons entre protéines au sein des granules alors que la seconde résulterait de la relative pauvreté de la matrice en ce type de liaisons.

 

Références :

Coyne K.J., Qin X.-X., Waite J.H., 1997 – Extensible collagen in mussel byssus : a natural block copolymer. Science, vol. 277 : 1830-1832.
DOI: 0.1126/science.277.5333.1830

M.J. Harrington, A. Masic,N. Holten-Andersen, J.H. Waite, P. Fratzl, 2010 – Iron-clad fibers: a metal-based biological strategy for hard flexible coatings. Science, vol. 328 : 216-220.
DOI: 10.1126/science.1181044

Messersmith P.B., 2010 – Holding on by a hard-shell thread. Science, vol. 328 : 180-181.
DOI: 10.1126/science.1187598

 

Pour accéder au site internet de la revue Science (adresse : http://www.sciencemag.org)

 

Pour en savoir plus sur le byssus, consulter la page L’organe byssogène et l’élaboration du byssus de la rubrique De l’organisation interne