De la larve à l’adulte : étude au niveau cellulaire

Introduction

Observation :

cycles de développement de la Mouche et de la Grenouille ; succession des phases adulte, embryonnaire (œuf), post-embryonnaire (larve) avec modifications du milieu/mode de vie et du plan d’organisation entre les phases post-embryonnaire et adulte

  • notions d’adulte (organisme mature capable de se reproduire) et de larve (organisme issu du développement embryonnaire et différent de la forme adulte en termes de milieu/mode de vie et de plan d’organisation)
  • notion de métamorphose (ensemble de modifications morpho-anatomiques et physiologiques accompagnant le changement de milieu/mode de vie) et éventuellement d’acquisition de la maturité sexuelle

Existence de modifications morpho-anatomiques et physiologiques correspondant à des disparitions, formations ou remaniements des structures corporelles.
Étude à limiter à la métamorphose, l’acquisition de la maturité sexuelle pouvant être décalée dans le temps, et ne contribuant pas une modification profonde du plan d’organisation

En quoi consistent les phénomènes cellulaires sous-tendant ces modifications morpho-anatomiques et physiologiques ?
Comment cette étape du développement est elle rendue harmonieuse ?

I. De la larve à l’adulte : l’histolyse des structures larvaires

Objectif :

étudier les phénomènes cellulaires sous-tendant la dégénérescence des structures larvaires, mise en évidence du caractère programmé de ces phénomènes ; construire un schéma bilan des évènements cellulaires de la transition larve-adulte

A. La mort des cellules composant les structures larvaires

1. La mort par autophagie

Observation :

raccourcissement du tube digestif du têtard de Grenouille lors de la métamorphose, accompagné de l’élimination de l’épithélium intestinal primaire ; présence de vacuoles autophagiques et évolution en corps résiduels

  • notion d’autolyse avec intervention de vacuoles autophagiques
  • évènements successifs : multiplication des lysosomes, réaction de défense avec formation de vacuoles englobant les territoires en cours de dégradation, transformation en corps résiduels, poursuite de la lyse et mort de la cellule
  • évacuation des débris dans la lumière du tube digestif
Généralisation/restriction :

autres cas d’autophagie (tégument, chorde, tissu nerveux de la queue, branchies, du têtard de Grenouille, muscles, trachées, corps gras, glandes salivaires des larves d’Insectes) ; autophagie partielle des muscles larvaires des Insectes (remaniement en muscles adultes)

2. La mort par apoptose

Observation :

dégénérescence d’une grande partie du pancréas exocrine du têtard de Grenouille lors de la métamorphose ; isolement de la cellule pancréatique concernée, condensation des organites et du noyau, fragmentation de la cellule

  • notion d’apoptose avec pycnose et fragmentation cellulaire
  • évènements successifs : condensation des organites, condensation de la chromatine avec accolement à l’enveloppe nucléaire, altération de la membrane, formation de bulles, fragmentation et mort de la cellule
  • évacuation des débris dans la lumière des canaux pancréatiques
Généralisation/restriction :

autres cas d’apoptose (musculature caudale du têtard de Grenouille, épiderme larvaire des asticots de Diptères)

B. Les acteurs de la mort des cellules des structures larvaires

1. Des enzymes pour un phénomène de dégénérescence programmée

Observation :

– mise en évidence de l’activité de la phosphatase acide et de la multiplication des lysosomes dans le cas de la mort cellulaire autophagique des épithéliocytes de l’intestin de têtard de Grenouille
– mise en évidence de l’activité de protéases (caspases ou cysteinyl-aspartate-specific-proteases), de la fragmentation de l’ADN en nucléosomes (extraction et électrophorèse de l’ADN) et de l’activité d’endonucléases dans le cas de la mort cellulaire apoptotique
– inhibition de la mort cellulaire par l’actinomycine D (inhibition de la synthèse des ARN), le cycloheximide (inhibition de la synthèse des protéines)

  • mort cellulaire corrélée à une activité enzymatique accrue, les enzymes dégradant les structures cellulaires
  • mort cellulaire active nécessitant une activité de synthèse de la part des cellules vouées à la dégénérescence
Généralisation/restriction :

autres cas d’autophagie avec intervention de lysosomes (régression de la queue du têtard de Grenouille)

2. Des phagocytes pour une élimination des débris

Observation :

présence de phagocytes (macrophages, leucocytes, cellules mésenchymateuses, hémocytes) dans la queue de têtard de Grenouille lors de la métamorphose, dans les muscles de l’asticot de Mouche ; activité phagocytaire et enzymatique

  • possibilité d’élimination des débris issus de la mort des cellules dans les lumières des organes
  • possibilité d’élimination des débris issus de la mort des cellules par phagocytose (internalisation des débris et formation de vacuoles hétérophagiques par fusion avec des lysosomes)
  • intervention des phagocytes dans la dégradation du matériel extracellulaire (libération de hyaluronidases, de métalloprotéinases – par les fibrocytes)
Bilan :

dégénérescence des structures larvaires sous-tendue par des phénomènes de mort cellulaire programmée, intervenant aussi dans les organes subissant un remaniement lors de la métamorphose (muscles chez les Insectes, par exemple).Ces phénomènes se produisent dans de nombreux autres groupes (Echinodermes, Ascidies) mais leurs bases cellulaires sont moins connues.

Parallèlement à la disparition de structures spécifiques de la larve, intervient la mise en place des structures spécifiques de l’adulte. Quels sont les phénomènes cellulaires impliqués ?

II. De la larve à l’adulte : l’histogenèse des structures adultes

Objectif :

étudier les phénomènes cellulaires sous-tendant le développement des structures adultes, mise en évidence de cellules souches ; construire un schéma bilan des évènements cellulaires de la transition larve-adulte

A. La mise en place des cellules composant les structures adultes

1. La multiplication des cellules souches

Observation :

mise en évidence des disques imaginaux chez l’asticot de Mouche (dissection), évolution du nombre de cellules composant les disques lors de la phase larvaire ; mise en évidence de divisions cellulaires dans l’épiderme et le derme de têtard de Grenouille lors de la métamorphose (coupe histologique)

  • présence dans la larve de cellules non différenciées (rapport nucléoplasmique élevé), qualifiées de cellules souches
  • nombreuses divisions des cellules souches soit durant la vie larvaire soit lors de la métamorphose, à l’origine des cellules de l’adulte
Généralisation/restriction :

autres cas de divisions cellulaires (système nerveux, épithélium du tube digestif de l’asticot de Mouche, épithélium du tube digestif, bourgeons de membres de têtard de Grenouille) ; mise en place de certains muscles adultes sans intervention de cellules souches chez les Insectes (remaniements de muscles larvaires)

2. La différenciation des cellules souches

Observation :

évolution des disques imaginaux dans la pupe de Mouche (dissection), dévagination et différenciation des cellules avec production de cuticule ; évolution de l’épiderme et du derme de têtard de Grenouille lors de la métamorphose, formation de glandes cutanées muqueuses et séreuses, production de kératine

  • devenir des cellules issues des divisions caractérisé par l’acquisition d’une forme et d’une fonction spécifiques, avec diminution du rapport nucléoplasmique
  • intervention d’un processus de différenciation impliquant la synthèse de protéines, le cas échéant nouvelles
Généralisation/restriction :

autres cas de différenciations cellulaires (musculature avec allongement des cellules et fusion, épithélium du tube digestif avec cellules prismatiques chez les Insectes, épithélium du tube digestif avec entérocytes et mucocytes, musculature et squelette des membres chez les Amphibiens) ; dédifférenciation des myocytes larvaires et redifférenciation en myocytes adultes lors des remaniements des muscles chez les Insectes

B. Les acteurs de la mise en place des structures adultes

Observation :

mise en évidence la synthèse d’ADN dans les îlots de cellules souches de l’épithélium intestinal de têtard de Grenouille par incorporation de thymidine tritiée et autoradiographie ; mise en évidence de la synthèse de nouveaux ARNm et de nouvelles protéines dans les cellules épidermiques (kératine) par northern et western blotting

  • intervention du processus de replication de l’ADN lors de la phase S du cycle cellulaire, impliquant une ADN polymérase, en préambule de la division cellulaire
  • intervention des processus de transcription de l’ADN et de traduction de l’ARNm, impliquant des ARN polymérases et peptidyl-transférases, indispensables à la différenciation cellulaire
  • importance de la synthèse de nouvelles molécules (acides nucléiques, protéines) permettant la production de nouvelles cellules et leur différenciation
Généralisation/restriction :

autres cas de synthèse d’ADN, d’ARNm et de protéines (muscles d’Insectes)

Bilan :

développement des structures adultes sous-tendue par des phénomènes de division et de différenciation cellulaire, intervenant aussi dans les organes subissant un remaniement lors de la métamorphose (muscles des Insectes, foie des Amphibiens par exemple)
Evènements traduisant une véritable reprogrammation génétique, qui semble très variable d’un organe à l’autre, voire d’une cellule à l’autre. Comment les phénomènes d’histolyse et d’histogenèse sont ils rendus harmonieux ? Comment la transition larve-adulte est elle contrôlée ?

III. De la larve à l’adulte : des transformations cellulaires contrôlées

Objectif :

analyse du contrôle des phénomènes d’histolyse et d’histogenèse, permettant leur harmonisation à l’échelle de l’organisme, et effets des molécules impliquées au niveau cellulaire

A. Le contrôle des phénomènes cellulaires de la transition larve-adulte

1. Les agents du contrôle : des hormones

Observation :

traitement d’un têtard (in vivo) ou d’un organe (in vitro) de Grenouille par les hormones thyroïdiennes, induction d’une métamorphose ou des phénomènes cellulaires caractérisant la métamorphose ; traitement conjoint par la prolactine – l’hormone de croissance et les hormones thyroïdiennes, absence d’induction ; devenir d’organes déplacés (queue, épiderme) lors d’une métamorphose induite

  • métamorphose et phénomènes cellulaires correspondants déclenchés par des hormones (hormones thyroïdiennes)
  • métamorphose et phénomènes cellulaires correspondants inhibés par des hormones (prolactine – hormone de croissance)
  • notion de compétence des organes et cellules cibles
Généralisation/restriction :

déclenchement de la mue des Insectes par administration d’ecdystéroïdes, modulation de la nature de la mue (larvaire, nymphale, imaginale) par la quantité d’hormone juvénile

2. Les modalités du contrôle : effets des hormones

Observation :

traitement des glandes salivaires d’asticot de Mouche par la 20-hydroxyecdysone, induction de la mort cellulaire et de la synthèse de protéines, apparition et disparition précoce ou tardive de puffs au niveau des chromosomes polyténiques, activation des voies d’histolyse et d’histogenèse

  • action des hormones contrôlant la métamorphose sur la transcription (inhibition ou activation)
  • action des hormones contrôlant la métamorphose sur la traduction
  • notions de gènes à réponse précoce (primaire) et de gènes à réponse tardive (secondaire)
Généralisation/restriction :

effets du traitement par les hormones thyroïdiennes et/ou la prolactine – l’hormone de croissance sur l’expression des gènes des kératines dans l’épiderme, des enzymes du cycle de l’urée dans les hépatocytes, chez un têtard de Grenouille

B. Les acteurs du contrôle de la transition larve-adulte

1. Les récepteurs des hormones

Observation :

identification des récepteurs des hormones thyroïdiennes à l’aide de sondes spécifiques, localisation à l’aide d’anticorps spécifiques, analyse de la séquence, chez le têtard de Grenouille

  • récepteurs des hormones déclenchant la métamorphose membres de la superfamille des récepteurs nucléaires
  • structure comportant un domaine de liaison de l’hormone et de dimérisation, un domaine de liaison à l’ADN (doigts de zinc), un domaine de transactivation
  • liaison de l’hormone et dimérisation conduisant à l’interaction activatrice/inhibitrice avec la machinerie transcriptionnelle
Généralisation/restriction :

récepteurs des ecdystéroïdes chez les Insectes (EcR)

2. Les cibles des récepteurs

Observation :

présence de séquences de type TRE (thyroid hormone response element) dans les promoteurs des gènes cibles, dimérisation avec le récepteur de l’acide 9-cis rétinoïque (RXR) et interactions avec diverses protéines des cellules cibles chez les Amphibiens ; sensibilité ou non des réponses cellulaires aux inhibiteurs de la traduction

  • activation/inhibition de la transcription liée à la liaison hormone – récepteur – partenaire sur les éléments de réponse et à leur interaction avec la machinerie transcriptionnelle
  • modulation de la réponse liée à la présence d’autres protéines (responsable de la spécificité de la réponse des différentes cellules)
  • gènes à réponse primaire insensibles aux inhibiteurs de la traduction (gènes codant les récepteurs), gènes à réponse secondaire sensibles aux inhibiteurs de la traduction
Généralisation/restriction :

séquences de type EcRE dans les promoteurs des gènes cibles, dimérisation avec la protéine USP (ultraspiracle) chez les Insectes

Bilan :

harmonie de la transition larve-adulte liée à un contrôle hormonal, les hormones impliquées ayant des effets pléiotropes.Action des hormones exercée via des récepteurs nucléaires interagissant avec l’ADN et modulant la transcription de gènes cibles, phénomène permettant la reprogrammation génétique caractéristique de la métamorphose

Conclusion

Récapitulation

Transition larve-adulte correspond à une phase de morphogenèse impliquant des phénomènes cellulaires similaires à ceux rencontrés lors du développement embryonnaire (multiplication et différenciation, mort, migration)
Phénomène permettant un changement de milieu et/ou de mode de vie parallèlement à la modification du plan d’organisation

Bibliographie

– Collenot A. et Signoret J. : « L’organisme en développement, la construction de l’adulte ». Hermann, 2000
– Gaumer S. et coll. : « L’apoptose chez la Drosophile, conservation et originalité ». Médecine/Sciences, août-septembre 2002
– Gilbert S.F. : « Biologie du développement ». DeBoeck Université, 1996
– Hourdry J. : « Biologie du développement, morphogenèse animale, unité et diversité des Métazoaires ». Ellipses, 1998
– Hourdry J. et Beaumont A. : « Les métamorphoses des Amphibiens ». Masson, 1985
– Raccaud-Schoeller J. : « Les Insectes, physiologie, développement ». Masson, 1980
– Shi Y. et coll. : « Les gènes de la métamorphose ». La Recherche, avril 1996
– Wolpert L. : « Biologie du développement, les grands principes ». Dunod, 1999