Au menu de la Sabelle…

 

Des particules alimentaires flottant dans l’eau de mer captées par une couronne de tentacules

 

La zone intertidale, alternativement couverte et découverte par la marée, revêt de multiples formes notamment du point de vue de la compacité du substrat, qui distingue les milieux rocheux, dur, et sableux, meuble.

Les côtes sableuses présentent une relative diversité en termes de caractéristiques physiques et chimiques mais aussi de peuplements.
Les régions moyenne et inférieure de la zone intertidale sont ainsi parfois occupées par des herbiers.
Ces peuplements ont la particularité de comporter des plantes à fleurs, semblables à celles du milieu terrestre, possédant feuilles, tiges et racines. Le terme herbier est une référence à leur présence.
En Manche et en Atlantique, ces plantes sont des Zostères (Zostera sp.). Elles modifient profondément leur environnement, en particulier :

leur ancrage dans le sable conduit au piégeage des sédiments et à la stabilisation du substrat ;

leurs feuilles flottant dans le courant captent les particules en suspension qui tombent au fond ;

la fanaison et la chute des feuilles enrichissent le substrat en matière organique.

En conséquence des banquettes surélevées, où sont implantées les Zostères, se forment, entre lesquelles de chenaux sont creusés.

Offrant des conditions favorables, les herbiers abritent une faune très diversifiée.

 

Dans le sable, un tube…

 

Tubes de Sabelle à marée basse
Tubes de Sabelle à marée basse (Carantec, février 2005)

 

Tube de Sabelle à marée basse
Tube de Sabelle à marée basse (Carantec, février 2005)

 

À marée basse parmi les feuilles des herbiers, il est fréquent d’observer l’extrémité d’un tube pointant hors du substrat.
De consistance élastique, il est composé d’une matrice organique de nature muqueuse engluant de fines particules de sable.
Il se prolonge en profondeur sur une longueur pouvant atteindre 250 mm.

 

Dans le tube, un ver…

 

Panache de Sabelle à marée haute
Panache de Sabelle à marée haute (Carantec, février 2007)

 

Panache de Sabelle à marée haute
Panache de Sabelle à marée haute (Carantec, février 2007)

 

À marée haute, un panache de longs tentacules émerge de l’extrémité libre du tube et se déploie dans le courant.
Cette couronne de fines expansions correspond à l’extrémité antérieure d’une Sabelle (Sabella pavonina) vivant dans le tube, qu’elle élabore en sécrétant des substances muqueuses et en agglomérant des particules de sable. Elle a fait l’objet de l’article de la semaine 37-2014 de Codex virtualis.

Appartenant au groupe des Annélides polychètes, la Sabelle possède un corps formé de segments semblables les uns aux autres, portant latéralement des expansions aplaties appelées parapodes où sont insérées des soies.
La bouche est localisée à l’extrémité antérieure de l’animal du côté de l’ouverture du tube, et l’anneau qui est situé en avant, le prostomium, est modifié en tentacules.
Il est aussi à l’origine de deux structures dorsales allongées et coniques, appelées lèvres dorsales, prolongées chacune par un tentacule dorsal plus sombre que les autres.

 

… suspensivore

 

Panache de Sabelle déployé
Panache de Sabelle déployé (février 2005)

 

Tentacules de Sabelle déployés
Tentacules de Sabelle déployés (février 2005)

 

Tentacules de Sabelle déployés
Tentacules de Sabelle déployés (février 2005)

 

Tentacules de Sabelle déployés
Tentacules de Sabelle déployés (février 2005)

 

En pleine extension, un tentacule apparaît formé d’un axe portant latéralement deux rangées de ramifications, désignées par le terme pinnules.
Le déploiement des tentacules est lié à une augmentation de la pression exercée sur le compartiment liquidien qu’ils contiennent.

La Sabelle réalise sa prise de nourriture à l’aide du panache de tentacules déployé, formant un entonnoir au fond duquel est localisée la bouche.
Un courant d’eau, généré par les battements des cils portés par les pinnules, traverse le panache de l’extérieur vers l’intérieur et de bas en haut.
Les particules flottant dans l’eau, apportées par ce courant, sont déviées par les cils des pinnules. Elles sont alors acheminées vers l’axe du tentacule par les microcourants dus aux mouvements des cils.
L’axe du tentacule est creusé d’un sillon sur sa face interne. Les particules y cheminent en direction de la bouche, tout en subissant un tri en fonction de leurs dimensions.
Les particules les plus fines sont amenées à la bouche et ingérées, les corpuscules moyens sont incorporés au tube alors que les plus volumineux sont évacués hors du panache.

En relation avec les modalités de la prise alimentaire, la Sabelle est qualifiée de suspensivore ou filtreuse. Elle pratique la microphagie par filtration.

 

Pour en savoir plus, consulter :

la page Le panache et la filtration de la rubrique De l’organisation interne de Codex virtualis, consacrée à la structure histologique du panache de tentacules

la fiche espèce consacrée à Sabella pavonina du site DORIS-FFESSM (Données d’observations pour la reconnaissance et l’identification de la faune et de la flore subaquatiques – consulté le 14 juillet 2015)
FEUGAS Marie-Pierre, SCAPS Patrick, LAMARE Véronique, in : DORIS, 15/8/2014 : Sabella pavonina Savigny, 1822 (adresse : http://doris.ffessm.fr/fiche2.asp?fiche_numero=605)

Turquier Y., 1989 – L’organisme dans son milieu. 1. Les fonctions de nutrition. Doin, 315p. Paris

Turquier Y., Loir M., 1981 – Connaître et reconnaître la faune du littoral. Ouest France, 332p. Rennes